mardi 10 avril 2007

L’ESPACE MEDITERRANEEN : UNE INTERFACE NORD/SUD

L’espace méditerranéen comprend les pays bordiers de la mer Méditerranée. Certains appartiennent à l’Europe du Sud (Espagne, France, Italie, Croatie, Serbie-Montenegro, Albanie, Grèce), d’autres à l’Asie (Turquie, Syrie, Liban, Israël), d’autres enfin à l’Afrique du Nord (Egypte, Libye, Tunisie, Algérie, Maroc). On doit leur rajouter les îles méditerranéennes (Malte et Chypre) et le Portugal (qui bien que ne possédant pas de façade sur la Méditerranée appartient historiquement, culturellement et économiquement à cet ensemble).
Il s’agit d’une interface, c’est-à-dire d’un espace de contact, entre les pays développés (appartenant à l’Union Européenne) et les pays du « Sud ». Mais parce que cette interface est un espace maritime les contacts se font d’une manière particulière, très différente de celle qu’on peut observer entre les Etats-Unis et le Mexique.

Dans un premier temps on mettra en évidence le brutal écart de développement entre les deux rives de la Méditerranée avant de montrer les fortes différences culturelles et leurs causes lointaines, puis d’insister sur l’importance et la complexité des échanges dans cette région.

1.Un brutal écart de développement entre « Nord » et « Sud »

A.Un écart considérable de niveau de vie
On ne peut que constater en regardant une carte du PNB/hab (cf p 307) l’écart considérable qui existe dans cet espace méditerranéen entre les Etats appartenant à l’Union Européenne qui bénéficient d’un niveau de vie élevé, y compris la Grèce (qui pourtant était le pays le pauvre à son entrée en 1981), y compris Espagne et Portugal (qui ont rattrapé une grande partie de leur retard économique depuis 1986), y compris la Slovénie (rentrée en 2004 qui était la partie la plus riche de l’ex-Yougoslavie), y compris Chypre et Malte (entrés en 2004 qui bénéficient des rentrées touristiques) et les autres Etats.
On ne retrouve une telle richesse qu’en Israël, qui apparaît comme un îlot de prospérité économique (malgré toutes ses difficultés politiques) au Proche Orient.
La rive sud de la Méditerranée et le reste du Proche-Orient présentent un PNB/hab inférieur à 3000 $ sauf en Libye (où la population est peu nombreuse et bénéficie d’une rente pétrolière). La Turquie est dans une position un peu plus favorisée.
Enfin on peut noter que le sud-est de l’Europe (reste de l’ex-Yougoslavie, Albanie) a également un niveau de vie faible.

B.Un fossé démographique
Un autre écart dans cet espace méditerranéen concerne l’évolution démographique. Au nord de la Méditerranée on a une population qui a terminé sa transition démographique, dont la population a un faible taux de croissance (parfois proche de zéro), une excellente espérance de vie (au-delà de 80 ans pour les femmes), une très faible fécondité (inférieure en tout état de cause au seuil de renouvellement des générations de 2,1 et pouvant tomber jusqu’à 1,3), une population vieillissante.
Au sud de la Méditerranée et au Proche Orient la population est en fin de transition démographique, sa croissance est encore forte voire très forte (1 à 2 % d’accroissement naturel), l’espérance de vie est encore relativement faible même si elle a beaucoup progressé (environ 70 ans pour les femmes du Maghreb), la fécondité reste élevée même si elle a beaucoup régressé cette dernière décennie (autour de 3 enfants par femme en moyenne). La population est très jeune (plus de la moitié à moins de 20 ans).
En Europe du sud-est (Grèce exclue) on est dans une situation intermédiaire entre celle de l’U.E et celle qui vient d’être décrite.

Une alphabétisation en retard sur la rive sud
On peut également noter un décalage dans l’alphabétisation et la formation des populations de part et d’autre de la Méditerranée. Dans l’Union Européenne, l’alphabétisation est totale et ancienne, une partie considérable des jeunes accède à un enseignement secondaire et l’on a une élite nombreuse diplômée, susceptible d’occuper des postes pointus dans les secteurs industriel et tertiaire. Il en est de même en Israël.
Au sud de la Méditerranée l’alphabétisation de masse est plus récente et encore incomplète avec des écarts entre pays (le Maroc est considérablement plus en retard que la Tunisie dans la scolarisation des filles). Il en est de même au Proche Orient (Israël exclu) avec une situation légèrement plus favorable.
La conséquence en est qu’une partie de la population adulte est encore analphabète et ne peut occuper que des emplois subalternes à faible qualification. Néanmoins il existe aussi une frange de jeunes diplômés de ces pays du sud et de l’est de la Méditerranée (parfois formés à l’étranger en Europe ou aux Etats-Unis) qui aspirent à occuper des postes correspondant à leur niveau de compétence dans leur pays ou, à défaut à l’étranger.

2.Une très ancienne différenciation culturelle

A.La coupure entre chrétienté et islam
La coupure culturelle la plus visible est celle qui oppose au nord un espace de tradition chrétienne à un espace musulman au sud et à l’est de la Méditerranée. Cette coupure remonte aux débuts de l’islam, au VIIe siècle.
On peut noter que la pratique religieuse est aujourd’hui très faible dans les régions chrétiennes (y compris celles catholiques de l’Europe du Sud –Portugal, Espagne, Italie où elle était encore forte dans les années 1950).
La pratique religieuse y est coupée de plus en plus de la vie publique et la plupart des Etats sont laïcs.
A l’inverse dans les régions musulmanes la pratique religieuse est totalement intégrée dans la vie quotidienne, rythmée par les heures des prières et les fêtes religieuses (Aïd el Kébir, Achoura…). La religion musulmane se mêle à la vie publique (par exemple le roi du Maroc est en même temps « Commandeur des croyants »). Par ailleurs depuis une vingtaine d’années certains mouvements intégristes visant à un retour à la « charia » (la loi musulmane) ont fait irruption brutalement dans cet espace et tenté d’imposer un islam plus rigoriste (femmes voilées, interdiction de l’alcool) y compris par la violence (par exemple en Algérie).
La présence en Europe de communautés musulmanes nombreuses depuis les années 1950 (Maghrébins en France, Turcs en Allemagne notamment) a amené à un développement des lieux de cultes musulmans et à la montée d’une pratique religieuse dans ces pays d’accueil, phénomènes pas forcément toujours bien perçus par les populations locales.
Enfin il faut noter qu’il existe en Europe un clivage important entre le sud-ouest catholique et l’est orthodoxe, resté dix siècles sous le contrôle de l’Empire byzantin (Grèce, Serbie-Montenegro, Macédoine). La présence des Turcs ottomans à partir du XVIe dans ces Balkans a entraîné la conversion à l’islam d’une partie des populations mise sous tutelle (Albanais, Bosniaques).

2.Une coupure Orient/Occident
On peut également noter l’écart culturel et économique important entre le sud-ouest de l’Europe et le sud-est qui fut sous domination byzantine puis ottomane. Dans ces régions orthodoxes et musulmanes des Balkans, il n’y a pas eu de révolution industrielle au XIXe siècle, les structures agraires sont restées archaïques.
Cela explique en partie les difficultés actuelles de ces pays et les grosses disparités entre la Slovénie (catholique, ancienne partie de l’Empire Austro-hongrois) et la Bosnie, la Macédoine, l’Albanie ou la Serbie (musulmanes ou orthodoxes, anciennes provinces de l’Empire ottoman.
Néanmoins on peut relever que le retard économique de l’Europe du Sud (notamment Portugal, Espagne, « Mezzoggiorno » italien -c’est-à-dire Sud de la péninsule + Sicile + Sardaigne- très marqué au XIXe siècle et encore jusqu’après la Seconde Guerre Mondiale s’est fortement atténué depuis.

3.Des contacts difficiles par le passé
Dans cet espace méditerranéen les contacts n’ont pas toujours été faciles. Après la disparition de Rome au Ve la Méditerranée a cessé d’être une « mare nostrum » (une mer commune) pour devenir un espace de rivalités où la piraterie a été importante jusqu’au XIXe. Cela n’a pas empêché des échanges commerciaux notamment entre les ports italiens (Gènes, Venise) et les « échelles du Levant » (c’est-à-dire la façade méditerranéenne du Proche Orient).
Au XIXe la colonisation européenne a eu pour effet de mettre sous tutelle les territoires au sud de la Méditerranée : Algérie (colonie française), Maroc et Tunisie (protectorats français), Libye (colonie italienne), Egypte (colonie britannique).
Après la Première Guerre Mondiale ce sont les anciennes possessions ottomanes au Proche Orient qui sont passées sous contrôle européen : Liban et Syrie mandats français, Palestine mandat britannique.
La décolonisation dans les années 1950 et 1960 des pays d’Afrique du Nord et du Proche-Orient a permis d’envisager l’établissement de relations économiques moins dépendantes des anciennes métropoles.



3.Des échanges nombreux et complexes

A.Des flux de marchandises complexes à travers la Méditerranée
Aujourd’hui la Méditerranée est redevenue un espace pacifié où les flux commerciaux sont considérables. Il s’agit tout d’abord de flux en transit entrant (ou sortant) en Méditerranée par le détroit de Gibraltar et se dirigeant éventuellement jusque dans la mer Noire ou entrant (ou ressortant) par le canal de Suez. Parmi eux les flux d’hydrocarbures en provenance du Moyen Orient sont considérables.
Mais il s’agit également de flux d’importation et d’exportation des grands ports de la façade méditerranéenne de l’U.E (surtout Marseille, Gênes et Barcelone) de et vers le reste du monde et les pays du sud de la Méditerranée.
A l’exportation depuis l’Union Européenne on a surtout des produits manufacturés, à l’importation depuis le reste de la Méditerranée des hydrocarbures (depuis Algérie et Libye), des produits agricoles, des produits textiles (depuis le Maroc et la Tunisie).

B.Des flux migratoires passés et présents vers les pays développés de l’Union Européenne et leurs conséquences
Le développement économique très rapide de l’Europe occidentale pendant la période des « 30 glorieuses » a attiré vers les régions industrielles et urbaines de nombreux migrants venus d’Europe du Sud (Espagne, Portugal, Italie, Yougoslavie, Grèce), de Turquie et du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie) dès les années 1950.
L’augmentation du chômage depuis les années 1970 a légalement stoppé ces flux (sauf regroupement familial particulièrement en France). Des migrations clandestines continuent notamment en direction de l’Italie (en provenance d’Albanie, du Maghreb et d’Afrique noire) et en direction de l’Allemagne ou du Royaume Uni en provenance du Moyen Orient (Kurdes) et des Balkans (Kosovars). Il s’agit également de demandeurs d’asiles.
Les minorités immigrées durablement implantées (et qui ont parfois acquis la nationalité du pays d’accueil) conservent des liens forts avec leur pays d’origine : ils y retournent en vacances, y investissent dans l’immobilier ou certaines activités, ramènent des capitaux (au Maroc les retours monétaires des immigrés en Europe sont plus importants que les recettes liées à l’exportation des phosphates et celles liées au tourisme).

C.Des flux touristiques considérables
La Méditerranée constitue également le plus grand foyer touristique du monde : certaines régions voient leur économie totalement tournée vers le tourisme (ex. îles Baléares, Costa Brava, Malte, rivage sud de la Turquie…)
Les principaux flux de touristes proviennent des régions densément peuplées de la dorsale européenne (Allemagne, Royaume Uni, Belgique, Pays-Bas, France) et descendent sur les littoraux méditerranéens d’Espagne, de France, d’Italie, de Croatie ou de Grèce. Ce sont des flux touristiques massifs car les déplacements se font en voiture sur un réseau autoroutier excellent.
D’autres flux moins massifs concernent les Baléares, Malte et Chypre, les littoraux tunisiens (région de Sousse –cf étude de cas 298-301-, Djerba), marocains, turcs (Izmir, Antalya), égyptiens (sur la mer Rouge) grâce aux charters qui se sont considérablement développés depuis une vingtaine d’années.













Conclusion :

Cet espace méditerranéen présente donc de profonds clivages économiques et culturels : la rive nord appartenant à l’Union Européenne apparaît comme une sorte d’Eldorado pour un grand nombre de jeunes de l’autre rive.
En même temps les flux de marchandises et d’hommes s’y sont considérablement développés ces trente dernières années, d’où une meilleure connaissance réciproque, susceptible de faire avancer les projets de développement économique des régions les moins développées.



Dans la perspective d’un croquis de synthèse,
Quelles localisations mémoriser ?
Noms des pays riverains (et îles : Sicile, Sardaigne, Corse, Baléares)
Détroit de Gibraltar et canal de Suez
Noms des grandes villes et ports : Barcelone, Madrid, Marseille, Gênes, Athènes, Istambul, Beyrouth, Alexandrie, Tripoli, Tunis, Alger, Casablanca
Quels paramètres retenir ?
Limite « Nord »/ »Sud »
Limite chrétienté/islam
Limite entre pays de L’U.E et les autres pays d’Europe orientale
Emplacement des littoraux touristiques
Flux migratoires

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